Mais Dieu possède un Doigt, et l'immoralité
Ne saurait échapper à la fatalité!
Georges Fourest. Le Doigt de Dieu
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir
Jean de la Fontaine. Les animaux malades de la peste
A force de cracher en l'air...
Ma grand-mère paternelle.
Jusqu'à se jour, je me suis toujours abstenu de personnaliser mes récits. mais la mésaventure que nous venons de vivre mérite d'être racontée. Alors, calez-vous confortablement dans votre siège,
et prêtez moi attention quelques instants car ceci est (selon vos convictions) soit une confession, soit une autocritique.
Car nous avouons tout: oui, nous avons fauté, nous avons été punis, et c'est bien fait. Voilà les faits.
Le mardi 22 février, un peu après 8h sont arrivées à nouveau dans la rue Mérindol 2 camionnettes transportant un groupe de joyeux travailleurs chargés (je crois) de restaurer les trottoirs. Comme
la veille, elles sont arrivées à contre-sens. (Pourquoi à contre sens? probablement parce qu'elle sont conduites par des cyclistes. Mais ne nous égarons pas, ce n'est pas le sujet). La première
s'arrête juste au ras du portail derrière lequel nous nous garons nos voitures. Pas de problème. Nous sommes rompus à la marche arrière.
Vers 8h30 arrive le chauffagiste qui avait donné rendez vous pour s'occuper de notre chaudière, et qui, comme d'habitude lorsque nous recevons des visiteurs, souhaitait se garer chez nous, car le
quartier est assez avare en places de parking gratuites et autorisées. Maintenant, faites attention, c'est là que le drame se noue: il se trouve que ma petite femme avait un rendez vous vers 9h30
et devait pour ça utiliser sa voiture. Or, il se trouve que, certes, on peut garer 3 véhicules dans le jardin, mais suivant le schéma que les informaticiens appellent une pile ou "LIFO" (last in,
first out), c'est à dire dernier entré, premier sorti. Il fallait donc s'arranger pour que la voiture de ma femme se retrouve derrière celle du chauffagiste. Là encore, c'est une manoeuvre à
laquelle nous sommes rompus; nous appelons ça "le ballet de voitures" Pour ce faire, il faut que la dernière voiture attende dans la rue à quelques mètres en arrière. On sort la seconde voiture,
et là, elle avance jusqu'à dégager le portail, afin de laisser rentrer l'autre, puis manoeuvre afin de venir se garer en dernière position. (C'est clair? ce n'est quand même pas le Rubik's
cube!); nous entamons le processus, mais, futé que vous êtes, vous avez vu le problème: la camionnette empêche la voiture d'avancer pour dégager l'entrée.
Donc ma petite femme passe la tête et demande au joyeux travailleur le plus proche: "S'il vous plaît, pouvez vous reculer votre camionnette de 3 ou 4 mètres, que je puisse laisser rentrer l'autre
voiture?" La réponse standard fuse immédiatement " je travailmoie!"
( Je fais une petite parenthèse sur ce verbe assez peu connu, parce qu'il est le plus souvent utilisé seulement à la première personne de l'indicatif présent. Le verbe travailmoyer est un verbe
intransitif du premier groupe, qui se conjugue comme louvoyer, rudoyer, soudoyer, tutoyer: Je travailmoie, nous travailmoyons... passé composé: j'ai travailmoyé. Futur: je travailmoierai. Notre
Président bien aimé pourrait dire: "Il eut fallu qu'ils travailmoyassent". je ferme la parenthèse)
Ma petite femme, insiste deux fois, trois fois et à la fin, elle s'énerve et lâche: " mais laissez moi sortir de chez moi, merde!". Alors là c'est pas pour dire, mais c'était
sa première erreur. Je pense que la personne en face avait du recevoir une éducation très stricte et qu'il ne supportait pas la vulgarité. (ma femme, elle, a été élevée à l'école publique) A
voir ses yeux, je pense qu'il cherchait un savon pour lui laver la bouche de son gros mot, comme un père outragé. Il s'est d'ailleurs comporté en père, puisqu'immédiatement, il s'est mis à la
tutoyer pour la rappeler à l'ordre. Bref, le ton a monté, l'ambiance aussi; et là, il est arrivé. Le pas assuré, le regard dur et à la main le signe indéniable de la chéfitude,
un téléphone portable. Il m'a toisé et a immédiatement utilisé son téléphone en s'éloignant. Je l'ai entendu parler "d'un mec qui..." Je pense que le mec, c'était moi; c'est un peu familier, mais
quoi un chef, ça doit avoir un langage viril et un peu rude, sinon... Et puis on va pas se mettre à prendre des gants avec las indigènes. Pas question de reculer d'un pouce. La Mission d'abord...
Parallèlement à ça, un ouvrier plus âgé est venu voir ma femme pour la calmer; il a reculé la camionnette de 3 mètres,(j'espère de tout coeur qu'il n'a pas été sanctionné pour ce manquement à
l'Ordre); ma femme a manoeuvré, le chauffagiste est rentré. (J'avais peur que, lassé, il ne reparte. c'est pas facile d'avoir un plombier..)
Et là, ma petite femme a commis sa deuxième erreur: elle discute avec le gentil ouvrier plus âgé, et décide, puisque la rue est bloquée par les camionnettes de toute façon, de
ne pas rentrer sa voiture dans le jardin et de la laisser dans la rue; si elle gène le déplacement éventuel des véhicules de srevice elle la bougera. de toute façon, elle part dans 10
minutes. Si fait.
Dix minutes plus tard, elle sort, et là, grand cri! J'accours. Une voiture de la police municipale est là. Notre voiture a écopé d'une contravention. Et je vois disparaître au bout de la rue, les
deux camionnettes de travaux, qui visiblement avaient terminé leur service à 9h10. (Je crois que ça s'appelle le fini-parti). Et les agents de nous expliquer que nous bloquons la circulation....
pas de discussion, ils n'ont pas le temps, ils sont sur une intervention, circulez, y a rien à voir, surtout pas les camionnettes qui reculent jusqu'à la rue du Bon Pasteur.
Elle est bien bonne, non? Moi qui passe mon temps à râler contre le laxisme vis à vis du stationnement sauvage dans la quartier, j'ai l'air de quoi, je vous le demande.
Cette mésaventure me laisse quand même perplexe, sur plusieurs points, en particulier sur la gestion des chantiers en ville. Bien sur,ils sont nécessaires, c'est évident. Mais ne pourrait on pas
avertir les riverains que la rue sera inaccessible pendant une journée et qu'il faut prendre ses précautions. Je sais bien que le petit Chef nous prend pour des buses, mais on est capable
d'anticiper un départ nécessaire, quand même.
Mais ce qui m'épate le plus, c'est l'arrivée miraculeuse de la voiture de police; quand je me souviens de problèmes de blocages des accès pompiers sur le Forum des Cardeurs, où les brancardiers
ont du transporter une jeune fille jusqu'à l'ambulance parce qu'une voiture bloquait l'accès... La voiture de ma femme a du représenter un problème beaucoup plus considérable pendant 90 secondes
pour justifier une telle rapidité. C'est pour ça qu'au début, je parlais du doigt de Dieu; je ne vois que ça.
A moins que... non! vous croyez? le téléphone portable du Chef??? C'est vrai que, dans sa position, il a un accès direct aux plus hautes instances. Surtout que l'urgence s'imposait! Enfin Chef,
si vous lisez ces lignes (ou si quelqu'un vous les lit), quand vous repasserez (ne me dites pas que vous n'allez pas repasser, rien n'a été fait dans la rue!) pensez à nous donner le numéro de
téléphone du Doigt de Dieu. Tiens même, soyez magnanime, c'est digne d'un vrai Chef: affichez le dans la quartier. Je suis sur que bien des habitants des rues Nostre Seigne, du Cancel et autres
seraient ravis de pouvoir faire débloquer l'accès à leur domicile quand ils essaient de rentrer chez eux.
Reste que je me retrouve avec une prune à 35 Euros. C'est écrit que l'on peut contester. En fait, j'avais commencé à rédiger une lettre pour le tribunal de police. Et puis, j'ai trouvé ça
ridicule. (et puis je n'aurais pas pu utiliser le verbe "travailmoyer" dans une lettre au tribunal!). Alors je vais payer.
Finalement, 35 € pour approcher des personnalités hors du commun, ce n'est pas cher payé.
Derrière l'Opéra de Marseille, il y a des petites dames intéressantes aussi, et elles coûtent beaucoup plus cher....