Je sais bien que récemment, je signalais qu'un nombre de plus en plus grand de Rats Noirs tendait à se passer de sac poubelle. C'est vrai. mais la majorité continue à les utiliser. On en voit plein sur nos trottoirs, 24h sur 24. Et comme je n'ai pas encore rangé mon Dictionnaire Historique de la Langue Française d'Alain Rey, nous allons parler un peu du mot "sac". Et nous illustrerons notre propos d'images glanées ces derniers jours soit par Hubert, soit par moi.
Or donc, s le mot sac est dérivé du latin saccus, lui même dérivé du grec sakkos, lequel grec l'avait emprunté phénicien saq. (Sac de voyage quoi ). A l'origine, il désignait la toile qui servait à emballer la marchandise; Puis comme souvent, le sens s'est modifié au XIeme siècle pour désigner le contenu de l'emballage, voire la quantité d'olives ou de raisin pressée en une fois.
Vers 1160, on trouve le mot dans le sens "contenant (de toile) ouvert seulement vers le haut". Définition bien illustrée par la photo ci contre, prise rue Nostre Seigne.
En fait, l'usage du mot pour désigner, suivant le cas, le contenu et le contenant s'est prolongé et a donné de multiples expressions. Quelques unes ont disparu, comme "prendre son sac et ses quilles" (vers 1680) qui semble pourtant illustrée par cette photo de Hubert prise boulevard Carnot:
Tout dans cet image donne l'impression d'une fuite éperdue, non?
De plus elle me fait penser au juron employé par le Professur Tournesol lorsqu'il est en colère: "Sac à papier!". Eh bien, sachez, mes bons amis, que dans les jurons anciens, on cherchait à atténuer le coté blasphématoire des plus salés d'entre eux. D'où le suffixe "-bleu" au lieu de Dieu, ou le mot "sac" au lieu de "sacré".
Pour revenir sur le contenu, on désignait par sac l'ensemble des pièces du dossier que le juge gardait dans son sac.
Si le prévenu était invité à "vider son sac", il craignait surtout que son sac soit "jugé sur l'étiquette", et non sur le fond. Faut bien reconnaitre que comme sur cette image de la rue Lieutaud, l'étiquette est parfois trompeuse, et ne reflète pas vraiment le contenu... N'oulions pas que "l'affaire est dans le sac..."
Parmi les usages multiples du mot, relevons un exemple concret: vers 1835, on parlait de sac à coucher, ermplacé vers 1900 par "sac de couchage"
Mais auparavant, à la fin du XVIIeme l'expression désignait .. un oreiller, expression parfaitement comprise de nos jours, place des Tanneurs.
Si au XIXeme, on désignait aussi le sac de couchage par l'expression "sac à puces", elle ne s'applique plus de nos jours qu'à nos amis les chiens.
Il faut dire que, comme ici rue de l'Aumone Vieille, il y a clairement un vif intérêt de la gent canine pour les sacs poubelles à la paroi si tendre et au contenu si odorant.
Mettez vous à leur place aussi...
Vous me direz qu'à leur place, vous y êtes tous les jours et que vous résistez... dont acte!
Pour terminer, une autre expression métaphorique. A partir de 1805, la Banque de France se met à utiliser, pour ses transports de fonds, des sacs de toile contenant chacun 1000F en pièces d'or ou d'argent. Quelques années après l'expression (d'abord argotique, puis familière vers 1900) "un sac" désigne un billet de mille francs. Francs or au départ, bien sur. Puis franc courant ensuite, jusqu'au Nouveau Franc de de Gaulle, où le "sac" décala la virgule sur la gauche, comme la "brique"
Bref à l'expression "File moi 10 sacs!" je réponds depuis la rue Nostre Seigne: "Je ne crois pas les avoir"
mais j'entends Hubert qui crie depuis l'impasse du maréchal Joffre : " Attends, je crois que je les ai!"
Elle est pas belle, la vie?