Poubelle la vie

Je vous ai déjà dit beaucoup de choses sur mon ami Pierre, ses engagements politiques, son goût pour le whisky single malt (sans glaçon)... j'ajouterai aujourd'hui que c'est un intellectuel porté sur l'art abstrait et la musique concrète, mais, ça je pense, c'était assez facile à déduire. Ce que vous ne pouviez pas deviner, c'est qu'il est originaire du département du Nord.

Pourquoi je vous raconte tout ça? parce que la dernière photo qu'il m'a envoyée fait irrésistiblement penser aux surréalistes belges... Magritte? Delvaux? je vous laisse choisir...

Cette image a donc été réalisée, rue Emeric David, le 20 février vers 18h (twilight time...)

Ceci n'est pas une porte

Voici quelques mois, notre amie Elisabeth nous avait fait part de son désarroi devant la saleté chronique de sa rue, l'avenue Sainte Victoire. Il y a 2 jours, elle m'a fait parvenir le message suivant:

"Je suis sure que tu es impatient de savoir ce qui se passe avenue Sainte Victoire." (oui, on se tutoie depuis 30 ans..)

"Eh bien, un grand événement s'est produit il y a une quinzaine de jours: une nouvelle petite poubelle a été installée entre les numéros 22 et 24. (Et on dira que les messages passés dans nos lignes ne sont pas entendus! NDLR) Elle a été vite remplie, ce qui prouve qu'elle correspondait bien à un besoin; par contre, il ne doit pas être prévu que l'on puisse la vider, car elle demeure toujours pleine à ras-bords. (Ben oui, quoi, il y a la mise en place des circuits de ramassage. La circulaire d emise en service n'est pas encore parvenue au bon service. NDLR)

 Le "grand" container, seul pour toute la rue ou presque, est lui aussi insuffisant et souvent plein.

Depuis quelques jours, il a été déposé à côté de l'horodateur un sac-poubelle de la Ville plein de terre, tellement lourd qu'il est impossible de le déplacer, et qui n'est pas ramassé par les éboueurs.

Ca ne s'arrange donc pas vraiment, heureusement la pluie nettoie un peu de temps en temps...."

Elisabeth n'est pas un caractère très docile. Aussi s'est elle ouverte de son mécontentement au plus haut niveau..

"J'ai aussi reçu une lettre de Maryse (je ne savais pas qu'Elisabeth fût aussi intime avec Madame le Député-Maire et Présidente de la Communauté de Communes. Mazette!) rejetant la responsabilité de la saleté sur "les comportements irrespectueux de nos concitoyens". Mais il me semble que de laisser s'accumuler la saleté encourage à faire encore moins attention."

Voici donc la réponse reçue par Elisabeth On notera au passage que Madame le Député-Maire etc etc utilise un ton beaucoup plus protocolaire pour répondre...

Si je peux me permettre, on pourrait utiliser un peu plus sévère... Du genre:

" A partir de dorénavant, nous ne nettoierons les que lorsqu'il n'y aura plus de saletés. Nous attendrons donc que les rues soient propres avant d'envoyer les équipes de nettoyage. Na!" 

Avec Hubert, je voudrais créer un nouvel acronyme: les Objets Jetés Non Identifiés. Il en récolté une palanquée ces derniers jours... Bon, d'accord, on va faire preuve d'un peu de mauvaise fois, parce que de temps en temps on a bien une idée.. mais vous allez voir qu'à la fin, ce n'est pas si évident. 

On démarre facile place Ganay, haut lieu de jétéenvracocratie. bon, si vous n'avez pas reconnu un four micro-onde, je vous félicite: ça prouve que vous ne mangez que de la cuisine mitonnée avec amour...

Rue Joffre, c'est aussi facile, mais dans un genre différent.

Ici, si vous ne reconnaissez pas, c'est que vous avez encore un calepin en papier relié façon cuir.. Et que vous envoyez votre courrier après avoir léché l'enveloppe.. Et dans ce cas, vous ne reconnaissez pas non plus l'objet ci après, abandonné cours Sextius.

Nous pouvons au passage faire l même remarque qu'hier: les Rats Noirs, dans leur grande mansuétude, veillent que nous soyons comblée et ne manquions de rien... 

A l'angle des rues Fernand Dol et du petit Saint Esprit, il semblerait que ça stagne. Mais l'assemblage est des plus improbables..

Méfions nous quand même des idées toutes faites: il y a actuellement à la télé des pubs pour un aspirateur entièrement robotisé. Si ça tombe, le prototype a été mis au point dans un laboratoire secret du quartier Mazarin.

Après tout, la région aixoise est devenue un centre de haute technologie...

Hubert, qui est pointilleux, signale que cette première photo date du 6 décembre, et que le 12....

Eh bien le 12, les 2 machins sont toujours là! Accessoirement, on remarquera que le premier bidule est un chauffe eau, pas un aspirateur... ben quoi? c'est un quizz, on a dit. J'ai un droit à l'erreur, non? (On n'a pas idée non plus de faire des photos dans le noir...)

Bon, je vais me la jouer facile avec la suivante, même si je ne sais pas d'où elle vient..

Bon, je reconnais que je sais ce que c'est. Et pourtant ma femme est un vrai cordon bleu. mais des engins comme ça, j'en ai déjà vu dans les cuisines de plusieurs restaurants du Forum des Cardeurs..  

Et aussi de la rue du Félibre Gault, et de la rue des Tanneurs et....

Bon, on n'est pas là pour dire du mal. C'est vraiment pas notre genre..

Mais nous allons entrer maintenant dans le vif du sujet.

Qu'est ce que c'est que ces schmilblicks? Il y en a deux, avenue de l'Ecole Militaire; l'un est à l'entrée du parc; le deuxième a été balancé dans la Torse

On a été chic avec vous, on vous les a agrandies un chouîa...  pas trop non plus, faut pas exagérer non mais sans blague!

Nous terminons par une série de photos assez homogènes, toutes prises par Hubert le 13. D'abord rue de l'Opéra.

je n'ai jamais été très doué en mécanique des fluides, ni en plomberie (ni en débouchage d'évier) mais rassurez moi, ce bidule est branché sur la corbeille à papiers gras, ou bien....?

Les deux images suivantes viennent de la rue Manuel...

Vous qui cherchez un plombier et n'en trouvez pas, vous savez maintenant où il faut le chercher.

PS: le 13,  l'angle de la rue St Esprit et de la rue Fernand Dol, devinez ce qu'il y a toujours....

Et il y a des gars qui volent des plaques d'égout, des câbles de commande le long des voies, des clotûres pour récupérer le métal. S'ils se baladaient un peu plus dans les rues d'Aix, ce serait moins risqués pour eux, et en plus ils nous rendraient service! 

Ah, la Sainte Victoire! Sa couleur changeante au cours de la journée... Son pic émergeant noblement parmi les pins.. Cézanne, assis devant son chevalet, écoutant France Gall sur son ipad...

C'est certainement cette vision bucolique qui a séduit mon amie Elisabeth, elle même peintre et sculpteur. Elle a donc posé ses pénates avenue sainte Victoire. Pensez donc, la route qu'empruntait le maître pour aller des 2 G jusqu'à la montagne..

Las, au bout de quelques années, force lui est de constater qu'entre la montagne et l'avenue, il y a une légère nuance... Le 13 décembre, elle m'a envoyé ce message:

"Ce matin je revenais de la ville "intra muros" et avais mon appareil photo dans le sac, aussi je me suis souvenue de ce que tu m'avais recommandé maintes fois et ai donc pris quelques photos.

On y voit principalement le caniveau et les trottoirs, rien n'est jamais nettoyé...

et certaines saletés finissent par se décomposer en terre (on pourra bientôt y planter des fleurs!)..."

(On reconnaîtra au passage l'âme poète d'Elisabeth. je vous l'avais dit, c'est une artiste, du genre qui fait pousser des roses sur les tas de fumier....°)

 et évidemment les inévitables crottes de pigeons, de chiens...,

...laborieusement écrasées par les passants, ceux qui n'ont pas les yeux rivés au sol en marchant, si bien que les trottoirs en sont largement "tartinés"."

 Si je me souviens bien, j'avais écrit un jour, dans une de mes premières chroniques "dans les pas de Cézanne, prends garde où tu les pieds..."

Pauvre Cézanne. déjà, de son vivant, il n'était guère apprécié des Aixois. Est ce la malédiction qui le poursuit? 

Dans son célèbre ouvrage "le Cours Mirabeau", Marcel Provence relate avec une froideur journalistique l'exposition des "Amis des Arts" en 1895.

Pur montrer leur largeur d'esprit, les organisateurs de l'exposition eurent le culot d'inviter un peintre mauvais, mais aixois, Paul Cézanne. Remous... Pour ne pas choquer les braves gens, on plaça le tableau du barbouilleur au dessus de la porte.

C'était "la Sainte Victoire".

Un des organisateurs du salon, le peintre Louis Gautier (vous connaissez?) rédigea une critique de l'exposition, en vers, s'il vous plait:

A travers les rameaux des pins géants on voit

Se profiler en bleu le Mont Sainte Victoire

Si la nature était ce que ce peintre croit

Ce sommaire tableau suffirait pour sa gloire.

Bien sûr, Cézanne ne vendit rien... A la fin du banquet de clôture, le président (dont M. Provence tait aimablement le nom) déclara: "Messieurs, notre époque restera celle de Cabanel et de Bouguereau". ce qui provoqua une vive réaction du peintre qui s'écria : "Votre Bouguereau n'est qu'un jean-foutre!"

On n'ose imaginer le niveau du débat si au lieu de s'inspirer de la montagne, notre peintre s'était inspiré de l'avenue..

Ce jour de gloire étant arrivé, Hubert est sorti de bon matin; sans nul doute pour aller assister à une prise d'armes. Mais sa marche en avant a été entrecoupée d'arrêts fréquents. Il nous propose ici une commémoration légèrement décalée..

Premier arrêt: il a bien fait d'attacher sa selle avec un antivol solide. sinon, on la lui aurait volée avec le reste de la bicyclette... On n'est jamais trop prudent... La première utilisation militaire de la bicyclette eut lieu pendant la seconde guerre des boers, en Afrique du Sud. Pendant la première guerre mondiale, la bicyclette fut utilisée intensément, tant dans l'infanterie que le renseignement, la transmission des ordres et le secours aux blessés..

Continuons notre chemin, place Ramus:

L'état-major est passé par là...

Poursuivons notre route, elle nous mène ensuite rue Verrerie: 

Camouflage, dissimulation furent bien sur des arts développés avec ardeur sur le front On constatera qu'il reste trace, ici, de cette capacité à utiliser le moindre recoin...

Nous voici rue du Plan..

Certainement, nos braves poilus, qui passaient des semaines dans la boue sans pouvoir même se changer auraient apprécié le confort d'une machine à laver!

A l'angle de la rue Esquiche Coude:

Abandonnés par l'intendance, des emballages qui on du contenir des rations de "singe".

La nourriture était importante pour le moral des troupiers. mais elle était médiocre au front, et parfois dans les tranchées, il fallait la disputer aux rats, qu'on appelait les "gaspards" 

Et nous arrivons rue Gibelin:

Cette fois, nous avons indéniablement de quoi constituer un rempart, voire une fortification..

Bon d'accord, ça manque un peu de barbelé...

Ne desespérons pas, car impasse des Eyguières nous trouvons de quoi renforcer nos travaux de construction d'une casemate.

Quelques traces de combats furieux, ci- contre rue Constantin, 

ci dessous, rue des Epinaux

Les fins connaisseurs auront reconnu une des marottes de l'ami Hubert: le petit tas..;

Sur un champ de bataille, rien d'étonnant... 

Et la rue des Epinaux (axe du Triangle des Bermudes) n'en reste pas là, avec d'autres dépôts à nous offrir:

Non non ce n'est pas fini: souvenez vous, la guerre a été longue. Deux vues de plus.

A gauche, Rue Manuel.                                                                                 A droite rue de la Fontaine d'Argent

A gauche, rue de l'Opéra,                                          A droite place Ganay, étonnamment propre 

Continuons par un petit tour rue d'Italie...

Au passage, ne manquons pas la minute de silence au pied du platane de l'angle de la rue Fernand Dol. On notera qu'à l'occasion, il a été décoré d'un super tag rouge Non, ce n'est pas le logo de la superette..

Retour dans les méandres des petites rues, avec la rue du petit Saint Esprit.

Hubert est en extase: encore un petit tas, et ce, juste au pied du panneau "défense de déposer des ordures".

Et en gestation, ce qui pourrait devenir un gros tas...

Au passage, perdu dans la campagne, un train de munitions...

Pour terminer cette évocation de la Grande Guerre, un dernier chapitre consacré au Maréchal Joffre, d'abord dans la rue qui porte son nom:

Je n'ai pas tout compris, mais il y a une histoire de poubelle baladeuse qui joue à cache cache avec les sacs à crotte... Bref, il y a de l'animation...

Et pour terminer, une petite image de l'impasse du maréchal déjà cité.

Pauvre Maréchal joffre.

Il s'est couvert d'honneur.

Il s'est couvert de gloire.

On l'a couvert de décorations.

On l'a couvert de louanges...

Je me demande s'il a mérité le genre de couverture que nos Rats Noirs lui imposent jour après jour...

Allez, repos. vous pouvez fumer; mais ne balancez pas vos mégots par terre, ils finiront dans l'Arc.....